25 mai 2007

Temptation - BBC Radio 1

New Order live performance of Temptation at BBC Radio 1 studios, 1984.

18 mai 2007

Chambre Verte



« Mourir ne signifierait pas autre chose qu’abandonner un rien au rien, ce qui serait impossible à concevoir, car comment pourrait-on, fût-ce en qualité de rien, se donner en toute conscience au rien, et non seulement à un rien vide, mais à un rien bouillonnant dont la nullité consiste uniquement en ce qu’il est incompréhensible »

Franz Kafka (Journal 4 décembre 1913)

08 mai 2007

Try to cry out in the heat of the moment



« The Eternal », c'est ainsi qu'il avait baptisé une chanson de Closer, le second album de Joy Division, que je m'étais procuré, bien sûr, dans une autre ville que Montpérilleux où il semblait établi d'avance, par une sorte de complot que la résignation tramait incessamment, que tout ce qui soulevait un coin du voile ne devait pas être disponible à moins d'une centaine de kilomètres, et cet album je l'écoutais alors souvent, avec la plus extrême attention, pressentant, gravée dans le vinyle, une révélation aussi cruciale que celle qui repose dans les sillons d'encre de quelques rares livres et que réveille, à mesure qu'il les suit, le saphir du regard. Cette chanson, l'avant-dernière de la seconde face, s'ouvrait sur une sorte de bruit de cigales cyclique, insistant, que l'on comprenait vite être un froissement électronique, semblable au bruit que fait le monde lorsque d'un doigt l'on se bouche et l'on ouvre tour à tour très rapidement les oreilles. S'y entremêlait peu à peu une mélopée nasillarde, monotone, funèbrement lestée de basse, fouettée d'une caisse claire réverbérée jusqu'à n'être plus qu'un souffle, de toms creux comme l'estomac affamé, puis enfin de notes de piano, lourdes de sens d'abord, puis croisées par d'autres éparses, distraites, répétées sans aboutir ainsi que les jouerait d'un doigt un enfant qui ne saurait pas. Ce piano, même si on l'écoutait d'abord avec la complaisance de l'adolescent qui se savait sérieusement dans l'essentiel, et tentait désespérément de presser la moelle ensanglantée d'une émotion si importante à ressentir qu'il fallait bien en feindre un peu l'intensité, on se demandait aussi, sans oser se l'avouer tout à fait, s'il n'y avait pas là un peu d’emphase classique, trop de sensiblerie peut-être, mais déjà la voix s’était posée sur vous avec le calme à peine tremblé de la main qui vous fermera les yeux. Quelque chose s'y racontait, d'abord pour moi confus, que j'avais, aidé par quelques interviews dans des revues déjà vieilles (cette histoire se passe dans un éternel 1984), fini par éclaircir un peu. Il s'agissait d'un débile, à l'âge incertain mais traité par tous comme l'enfant qu'il n'est plus (« with children my time is so wastefully spent», disent horriblement et précisément les paroles) confiné ad eternam dans le jardin d'un pavillon, et qui voit défiler devant lui, avec l'inexorable lenteur « des nuages dans le ciel », une procession papiste semant des pétales emportés par la pluie. On comprenait alors que la chanson, sans aucunement vouloir imiter une quelconque aphasie ou la moindre confusion mentale, mais, et c'était son tour de force, avec au contraire une sorte de raideur, de dignité crispée, se plaçait du point de vue de ce témoin, qui « Try to cry out in the heat of the moment / Possessed by a fury that burns from inside » (on aurait l'air de quoi à vouloir traduire qu'il tente de hurler dans la ferveur de l'instant, possédé d'une fureur qui le brûle tout entier, pourquoi ne pas le chanter en français aussi, tant qu'on y est) et c'est cela d'abord que je trouvais beau, cet essai avorté de sortir de soi une émotion trop forte, trop invraisemblable pour les autres…"

Jean-Christophe Valtat - 03